Cristina Marqués

Cristina MARQUÈS


– A quel moment et par quelles motivations avez-vous été conduite à la sculpture ?


Petite je découpais dans les magazines les images qui me faisaient rêver ; je trainais alors dans les atelier des céramistes/potiers de Vallauris. Je regardais le tourneur avec fascination, lui qui, d’une motte de terre, fait sortir de ses mains un pichet ou une sculpture. C’est à ce moment-là, je pense, que j’ai su que la matière me fascinait. C’était pour moi un moment magique, irréel et festif. Je fais souvent le parallèle avec le cirque, où chaque année mes grand-parents m’amenaient voir le clown Zavatta à Vallauris : j’avais ce même sentiment de magie, d’irréel et de festivités.

Cet instant de magie, de jouissance qu’est la création c’est ce que je recherchais alors et que je recherche toujours.

 

Le site de Cristina Marqués

 

Entre fluidité et révélation, les sculptures de Cristina Marquès jouent de la transparence comme facteur de distinction.

Cristina Marquès affronte les filiations possibles du verre acrylique, communément nommé Plexiglas. Elle coupe par tranches, généralement un morceau de deux mètres sur trois qu’elle polit avant de travailler à l’air chaud au four à 600 degrés ou au décapeur. La matière devient ainsi malléable comme de la glaise synthétique, transparente. La forme nait de ses mains. Puis sa technique propre du bullage et de « l’empreinte » laisse apparaître une certaine rugosité avec des creux et des volumes, palpables au toucher.

La manipulation et la recherche d’une procédure permettent de faire voir, de rendre visible.

C’est lorsque l’on s’approche de plus près que se révèle l’œuvre, d’abord frappés par la délicatesse travaillée du matériau puis par la puissance de la forme et de la transparence. Cette transparence nous invite à traverser de l’autre côté, au-delà du réel. Un passage entre deux mondes où l’entre-deux révèle la mutation de la substance. L’artiste se focalise sur les  pleins et les vides, à travers desquels on circule sans même les voir. Véritable symphonie ou fugue de traces en mouvements avec ses respirations secrètes.

L’effet est particulièrement surprenant et réussi. Sous la surface aux irisations possibles, le prisme transforme et casse les codes visuels. Une trouble expérience au cœur de la matière.

Cristina Marquès donne naissance à une autre réalité comme un calque délicatement posé sur le monde. Plutôt qu’une entité absolue, son oeuvre joue de la perception intime. Sens et contre sens, transformation du discernement, elle compose avec l’illusion, brouille les pistes, préservant le secret d’un procédé de fabrication sophistiqué qui s’extrait du formalisme inculqué par les méthodes didactiques de la sculpture.

Il n’y a pas d’ajout de matériau – sinon parfois d’un support permettant de faire tenir l’oeuvre dans l’espace. Ses créations ont un très fort rapport à l’environnement. Translucides, colorés, parfois opaques, les éléments sont travaillés dans la profondeur sous des effets de torsion transfigurant leur apparence entre équilibre et tension. Courber le verre acrylique, l’entrelacer et l’agencer, n’est pas se plier devant l’inéluctable. L’artiste dévie les contraintes du Plexiglas pour donner naissance à des œuvres abstraites à la géométrie complexe verticale ou en spirale. « La spirale et les volutes ont toujours été mon cheval de bataille. Ils sont le tourbillon de la terre et du cosmos, le trou noir, l’élévation. »

Les sculptures de Cristina Marquès pourraient être des roches tombées des cieux telles des messagères de l’univers, d’un futur rayonnant, d’un nouveau monde créateur, presque vital. Sous cet attrait mystique et naturel, la ligne et le cercle, la transparence et l’opacité, sont la parfaite dualité d’un double jeu assumé par l’artiste ; celui de se montrer et se cacher. D’apparence labile, les œuvres de Cristina Marquès figent l’instant solide, entre le mouvement chaotique de la matière et la maîtrise de la forme finale. Les courbes renforcent cette impression de temps immuable, cyclique, d’une traversée intemporelle de l’espace et de la lumière.

Caroline Canault

 

Mahat – Dim : H. 170 x L. 120 x P. 85 cm. – 2012